Reprise du dialogue social : à la DGFIP le feu n’est pas encore au vert !

Après des semaines de conflit sur la réforme des retraites, la CFDT-CFTC Finances publiques et les organisations syndicales représentatives de la DGFiP ont tenté de proposer à l’Administration la voie d’un dialogue social « réel » à l’occasion du 1er CSAR (comité social d’administration de réseau qui remplace les CTR) de la DGFiP, ce 16 mai. Les propos liminaires de l’Intersyndicale et notre déclaration liminaire en déclinaient les principes fondateurs… pour que cesse la « concertation » factice et l’enchainement de GT (groupes de travail) où rien n’est à négocier. Les échanges n’ayant pas permis de trouver un terrain d’entente, l’intersyndicale (IS) a quitté la séance. Il n’a notamment pas été possible d’avancer sur la négociation salariale, les conditions instaurées par le DG rendant bien peu plausibles des améliorations pour les agents de la DGFiP.

Après des mois de « pas de son, pas d’image » avec les organisations syndicales (OS) dans le conflit sur la réforme des retraites, le gouvernement et le président de la République voudraient renouer des liens avec les représentants du personnel comme si rien n’avait vraiment eu lieu. Evidemment, l’Histoire n’est pas terminée, et la mobilisation se poursuit en Intersyndicale tant au niveau national qu’au niveau de la DGFiP.

L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques reste ainsi mobilisée pour faire du 6 juin une 14ème manifestation réussie …et que le jeu démocratique fasse son œuvre le 8 juin en permettant une abrogation salutaire.

Ces propos introductifs seront l’occasion de rappeler qu’avec un taux de participation très élevée aux élections professionnelles de décembre 2022, les organisations syndicales représentatives de la DGFiP et les élus de l’alliance CFDT-CFTC Finances publiques bénéficient d’une légitimité incontestable et que les mandats que nous portons doivent être respectés. En outre, après 5 mois de conflit social sur les retraites, l’ensemble des OS sort renforcé et légitimé, a contrario des détenteurs du pouvoir.

Bon à savoir
Le 19 décembre 2022, dernier CTR de la DGFIP, l’alliance CFDT-CFTC Finances publiques avait rappelé notre exigence d’un dialogue social sincère, exigeant et concret après de fortes déconvenues tout au long du 2nd semestre 2022. Après un début d’année 2023 guère plus encourageant, ce premier CSAR ne peut donc qu’être l’occasion de redire plus fermement encore ce que nous attendons du dialogue social. Autrement dit, quelles sont les conditions de notre participation aux instances du paritarisme à venir.

Car une chose est certaine, nous n’entendons plus être conviés à un théâtre d’ombre dans lequel il n’y a rien, ou trop peu, à discuter avec les OS. Notre rôle n’est ni d’être des passe-plats, ni les auditeurs d’une information dont la primeur ne nous est quasiment jamais réservée. Notre vocation n’est ni de permettre de cocher la case, ni de permettre d’affirmer que le dialogue social fonctionne à la DGFiP. Les rapports annuels comme le RSU se font l’écho des instances paritaires et du nombre de GT et de CTR/CSAR convoqués. Un nombre qui devrait être un indicateur de la qualité dudit dialogue social, mais qui est avant tout purement quantitatif. A propos de rapport annuels, nous demandons d’ailleurs que ces outils de communication qui sont des rapports de la DGFiP et non des seuls ministres et du DG permettent l’expression des OS représentatives à l’instar de ce que la démocratie locale, départementale et régionale permet.

Quitte à en avoir moins, nous demandons que les GT préparatoires au CSAR, et surtout ceux qui les poursuivent à la suite d’un CSAR, soient l’occasion d’avoir un échange productif avec du grain à moudre concret et consistant.

A cet égard, parce que le ministre Gabriel Attal l’a exigé à la suite du drame de Bullecourt, les premières réunions du GT sur la sécurité des agents du CF et de la DGFiP ont donné lieu – à la satisfaction de tous – à une utile construction commune. Nous devons bien sûr rester vigilants à ce que l’administration centrale ne contrecarre pas ce qui a été discuté initialement en GT. Il nous appartient donc communément d’organiser un suivi des décisions prises et d’y revenir régulièrement.

Ainsi, concrètement, s’agissant du parc automobile – que nous appelions de nos vœux depuis tant d’années –, il convient de s’assurer des conditions de son déploiement et de sa mise en œuvre concrète, avec notamment une bonne pratique en matière de remisage pour rendre la mesure efficiente. Ainsi s’agissant du déploiement des smartphones, de tous les outils liés à la sécurité et des formations pratiques envisagées, où un plan national doit nécessairement permettre d’éviter les disparités territoriales. De ces choix, il convient donc de discuter avec les OS. Le vrai dialogue social est effectivement exigeant et ne progresse que parce qu’il y a eu une confrontation des points de vue. Pour en finir ici avec ce volet, nous professons qu’au regard des conditions d’exercice de leur mission, des dizaines de milliers de kilomètres parcourus et des situations à risques qu’ils rencontrent, ce n’est pas de l’accès aux futurs véhicules de service dont nous devons discuter pour les huissiers, mais bien de véhicules de fonction.

Notre courrier intersyndical a fait référence à certains points fondamentaux dont nous voulons discuter. Nos propos liminaires intersyndicaux rappellent qu’on ne perçoit pas d’inflexion et de changement de cap, notamment au vu de l’agenda social proposé pour le 2nd semestre …qui est déroulé mécaniquement comme si nos interpellations successives n’existaient pas. Y aurait-il un souci de pédagogie lié à nos demandes ?

Il y a tout de même bien un problème de perception de ce que doit être le paritarisme et le dialogue social dans cette direction.

Ainsi, de nombreux sujets, dits pudiquement à l’expertise, restent encarafés. Sans être un Bureau des légendes, il ne faudrait pas que les Experts Bercy se transforment en Cold case. Pour illustrer nos propos, tout en s’évitant une liste exhaustive, nous relèverons tout de même les points suivants.

A moins que ce ne soit un peu de provocation, comment devons-nous prendre le fait que vous nous adressiez seulement hier 15 mai à 19 h – et donc quelques heures avant ce CSAR –, une réponse à notre courrier du 9 mars, ce après plusieurs relances. Ce courrier portait sur le sujet pas tout à fait anecdotique des droits de la défense en matière disciplinaire. En GT, la DG a essayé d’avancer des jurisprudences …qui s’avéraient ne pas exister ! Pris les doigts dans les confitures, à quoi cela rimait-il de persister dans cette voie sans issue. Et faut-il plus 3 mois pour reconnaître l’erreur de l’administration ? Nous allons être amené à demander une indemnisation en cas d’erreur comme le professe le ministre Attal dans son Plan anti-fraude.

Comme il y a par ailleurs des choses à améliorer sur les droits de la défense en matière disciplinaire et sur la procédure, notamment dans la phase dite d’enquête, il conviendra de prévoir une phase productive de dialogue social constructif, ouvert et transparent comme nous le professons.

Hier, vous nous avez également adressé la synthèse des résultats de l’Observatoire interne du ministère, mais pas ceux de la DGFiP qui semblent à l’évidence disponibles. Or, les résultats aux Finances publiques semblent se dégrader plus encore que ceux des autres directions. Il est peu probable que cela diffère des remontées que nous avons du terrain. La situation se dégrade et l’alliance CFDT-CFTC a fait le choix de ne pas regarder ailleurs. Sur un certain nombre de points, les remontées du GRM vous ont dévoilé ce que l’alliance CFDT-CFTC et l’ensemble des OS relevaient depuis des années.

Nous attendrons évidemment d’avoir les résultats détaillés, mais on ne pourra s’éviter de questionner le suivi des réformes, leur mis en œuvre, le management, l’écoute des agents et des cadres intermédiaires. Si nous n’avons jamais voulu instrumentaliser certaines situations malheureuses, le syndrome Orange résonne dans nos têtes. Au-delà des faits de violences externes dont le GT sécurité des agents a permis de faire remonter une réalité minorée, nous sommes quand même interpellés par une multiplication des incidents en interne, des cas rapportés de management nocif et de récents événements malheureux. Il va bien falloir y apporter des réponses et pas simplement des cautères sur une jambe de bois.

D’autres faits sont également révélateurs d’un malaise durable. Nous l’avions évoqué lors du dernier GT en mars 2020, avant que le COVID ne mette la France sous cloche. C’est le nombre de plus en plus important d’interrogations sur les départs volontaires. Autres révélateurs, ce sont d’une part les cas d’épuisement professionnel, d’autre part le syndrome du désengagement professionnel.

Selon les spécialistes, 7 facteurs favorisent celui-ci, parmi lesquels :

  • La rémunération. Dans la période, cet élément est fondamental. Après le gel du point d’indice qui a érodé nos salaires de plus de 12%, l’inflation qui a mangé 6 points de plus, le ministre Le Maire et ce gouvernement ne cessent d’appeler les entreprises à libérer du pouvoir d’achat. Mais décidera-t-il d’appliquer cette directive dans le seul endroit où il a le pouvoir de le décréter, c’est-à-dire pour ses agents ? Cela fait 2 ans qu’on attend de discuter rémunération. Et pas seulement pour des nèfles ou pour accompagner les restructurations, mais profondément : afin de valoriser les compétences, de prendre en compte la réalité des nouvelles situations de travail et la richesse de nos métiers, de donner de l’espoir, de mieux répartir la richesse sur la base des non-remplacements de postes, etc. Nous n’attendons rien du Moloch de la DGAFP (qui sert surtout à déresponsabiliser les hauts-fonctionnaires et à retarder la prise de décision). Nous voulons pouvoir discuter sur le fond des questions indemnitaires, des heures supplémentaires à rétribuer, etc. Ce dès les prochaines semaines. On ne va attendre le second semestre alors que le pouvoir d’achat n’est pas moins un sujet d’actualité chez les fonctionnaires que chez les salariés ou les retraités. Pour citer Charles le Téméraire, « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ».
  • Le manque de sens. Il y a clairement un questionnement sur ce point qui n’a cessé de progresser depuis la fusion et l’enchainement de réformes conduisant toutes à des suppressions d’emploi.
  • L’absence de perspectives d’évolution. Ça se passe de commentaires dorénavant.
  • Le manque de reconnaissance. C’est le point où il serait le plus aisé de progresser… 

Mais aussi, même si ce n’est bien heureusement pas la loi du genre

  • Des conflits ou des charges de travail irréalistes

Dans l’actualité du moment et du plan Anti-fraude, nous reviendrons sur la question des modalités d’exercice des officiers fiscaux judiciaires OFJ qui avait fait l’objet de discussions avancées lors d’un GTM de juin 2019, lequel avait acté la nécessité d’expérimenter pendant un an un processus d’heures supplémentaires. 4 ans après, oui, 4 ans après, alors que plane la menace médiatique que le 1er juin prochain les OFJ rangent leurs flingues et refusent de partir en opérations, Bercy va enfin sortir de ses tiroirs le fruit de 4 ans de maturation sur un sujet des plus simples. De qui se moque-t-on ? Pendant ce temps, les collègues OFJ de la BNDRF – OFJ qui relèvent tous de la DGFiP et sont institués par le même art. 28-2 du LPF – se sont rangés sous le régime plus favorable du corps des officiers de police qui donne droit à des « récup ». Toujours est-il que 4 ans après, au regard des conditions d’emploi et de la réalité des missions des OFJ, le sujet n’est évidemment plus les heures supplémentaires mais de bénéficier de la catégorie active, ainsi que les agents des GIR et de la BNEE. La moindre des choses est que le droit s’applique à ceux qui doivent le faire respecter. Et ce qui est vrai ici, le sera aussi pour les agents de l’Unité de renseignement fiscal.

Sur le plan lui-même, il est loin de renverser la table et compile notamment des points déjà existants. Quant aux annonces de 1500 emplois supplémentaires, s’ils sont une nécessité, ils ne couvrent pas les suppressions passées dans un contexte contemporain d’augmentation, d’internationalisation et de complexification de la fraude, mais aussi rapporté au ratio de l’augmentation du nombre des agents économiques et des foyers fiscaux. Dans le même temps, la durée de la formation initiale réduite en 2019 avec les effets que l’on connait ne fait pas l’objet aujourd’hui de débat, débat qui s’avérerait pourtant nécessaire.

Autre point, plus anecdotique sans doute, la gestion des Conseils médicaux (CMD) dont nous avions depuis plusieurs mois dénoncé une gestion hors des clous venu impacté nos organisations.

Nous profiterons de ces propos liminaires pour vous interpeller sur d’autres sujets qui dénotent tantôt des effets néfastes de la sur-communication, tantôt des conséquences de l’absence de concertation et de discussion avec les OS :

  • La campagne IR présentée à Bercy a donné lieu à un étonnant exercice où le ministre a invité les contribuables à appeler les services et à venir massivement dans les centres, quand vous et vos prédécesseurs avaient tout fait pour les en dissuader. Si nous défendons un accueil de qualité, les suppressions d’emploi ont tout de même dégradé les services et les possibilités d’accueil, aussi, cette communication est apparue bien audacieuse.
  • Lors de cette même campagne, il a été fait la promotion de GMBI dont la communication Internet est un exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Beaucoup de citoyens – y compris nombre de collègues – ont cru à une arnaque alors que les messageries sont inondées de tentatives de fraude avec les logos DGFiP. A un moment, il faut arrêter de mégoter sur le papier et le courrier. C’est indispensable dans un cas comme celui-ci. Surtout, que nombre de propriétaires, âgés, sont soit incapables de faire cette déclaration en ligne, soit d’avèrent être les premières victimes de ce type d’arnaques. Pour le ciblage, on repassera. La DGFiP doit se mettre au service des contribuables, non leur compliquer inutilement la vie. Vos espoirs en la fée informatique vous ont fait perdre ici le sens commun. Conséquence aussi, les CDIF/SDIF se voient submerger de e-contacts et croulent sous les milliers de de messages non traités. Bref, on est à front renversé où ce qui doit simplifier …complique inutilement la vie des agents et la vie des gens !
  • On pourrait aussi évoquer le guichet unique de formalités des entreprises qui n’est pas, non plus, une réussite. Un projet marqué du sceau de la précipitation et de la croyance imbécile dans le solutionnisme S’agissant de solution informatique, il serait nécessaire d’avoir prochainement un point de situation et une discussion sur la facturation électronique, son impact à venir sur les services de gestion et ceux du contrôle et les conséquences sur l’emploi.
  • Sur un plan plus RH, nous ne pouvons passer sur la campagne d’entretien professionnel. Marquée par de nombreux changements, en particulier la modification du supérieur hiérarchique évaluateur, elle a donné lieu à des applications locales de consignes manquant de clarté, les directives de la Centrale n’apportant pas toujours des réponses satisfaisantes. Entre Incertitude sur le cadre d’évaluation, hétérogénéité, manque de transparence et insuffisance de formation des cadres évaluateurs, cette campagne d’évaluation a engendré une insatisfaction notable et a provoqué un chaos laissant de nombreux agents déboussolés, d’autres déçus, voire en colère. Avec humilité, une communication de la Centrale aux agents et aux encadrants s’excusant pour les forts désagréments engendrés et des explications en transparence ne serait pas de trop…
  • S’agissant d’expérimentations, nous apprenons à l’occasion qu’il s’en tient en diverses directions. Sur le fond, pourquoi pas. Mais pourquoi mettre à l’écart les OS de celles-ci. Au minimum, afin de refonder le dialogue social, nous vous demandons sur le siège de nous informer sur celles-ci et de nous fournir prochainement un tableau des expérimentations en cours, avec les directions concernées et l’agenda prévu.

Vous l’aurez compris, l’alliance CFDTCFTC Finances publiques souhaite un changement radical dans la façon d’aborder le dialogue social à la DGFiP. Vous avez devant vous des acteurs légitimes qui savent être force de propositions.

Nous ne vous demandons pas de lancer un chantier sur la semaine de 4 jours comme certains le voudraient. Ce chantier, s’il doit voir le jour, se fera en temps utile. Ce n’est pas le moment aujourd’hui. La DGFiP a d’autres enjeux et la situation sociale n’est certainement pas propice à ouvrir des chantiers comme on tire des contremesures pour se faire oublier.

Des débats et de la vraie concertation, nous en souhaitons, mais sur des sujets qu’on aura eu l’occasion de définir ensemble. Pour que le dialogue fonctionne, il faut commence par discuter …pas par imposer. Nous interpellerons le ministre du Budget s’il s’avérait que les choses n’avancent pas dans le sens d’un vrai dialogue social.

S’agissant de l’ordre du jour de ce premier CSAR, chaque point fera l’objet d’un débat lors du déroulé de la séance.