Que sanctionne-t-on exactement ?
Il s’agit de juger une faute personnelle qui doit être caractérisée. Parmi les fautes qui sont justiciables, on retrouve la méconnaissance répétée des règles du GBCP, le paiement à un créancier erroné, le manquement au devoir d’alerte, paiement d’une prime indue et tout un panel d’autres fautes .
Qui sont les acteurs ?
La RGP sanctionne les acteurs qui interviennent dans la gestion des organismes faisant partie de la sphère publique lorsqu’ils ont commis des infractions prévues par le code des juridictions financières.
C’est donc le gestionnaire public ( personne travaillant dans une structure contrôlée par une juridiction financière) qui est sanctionné et non plus seulement le comptable public. Tout comme la RPP, les élus sont exclus du dispositif sauf dans les cas précis de gestion de fait ou de réquisition. Ainsi, désormais, les fautes seront imputées aux cadres A, B et C de la DGFIP mais aussi les personnels des services ordonnateurs ( ex : chef des services financiers d’un département)
Qui sont les gagnants et les perdants de cette réforme ?
Cette réforme déplace en partie la responsabilité du comptable vers les agents des services qui vont parfois se trouver en porte à faux. En effet, comment refuser un ordre de son supérieur hiérarchique ? Doit-on tracer certaines tâches ?
Le turn-over important dans les services, les départs des sachants, la surcharges de travail et les statistiques mettant la pression pour une gestion rapide et efficiente ne sont-ils pas implicitement à l’origine de situations génératrices de fautes aujourd’hui sanctionnables chez celui qui l’a commise, quel que soit son grade ? Pour rappel, l’agent peut être sanctionné à hauteur de 6 mois de traitement maximum . Aussi la DGFIP a le devoir de protéger beaucoup plus ses agents qu’elle ne le fait actuellement !
La CFTC DGFIP exige que la DGFIP se conforme aux préconisations initiales de cette réforme qui prévoyaient un renforcement de la maîtrise des risques. Celle-ci repose sur une sécurisation accrue de toutes les procédures, le renforcement du contrôle interne, une approche rénovée du Contrôle Hiérarchisé de la Dépense et une véritable appréciation du contrôle des délégations. Ainsi les agents exécutants ( A, B ou C) n’auront plus la désagréable impression que la reforme a transféré sur leurs épaules la responsabilité antérieure des comptables dont les rémunérations indemnitaires et la possibilité de l’assurance servaient d’amortisseur.
Les premières condamnations sont tombées ?
Prenons le cas de la première sanction concernant un adjoint ayant validé des virements sans justification. L’adjoint suite à un faux ordre de virements a vu la cour des comptes le sanctionner à hauteur de 4 000 € quant aux services ordonnateurs, il a requis une condamnation pour 2 000 €.
Même si cette condamnation n’est qu’un cas d’espèce dont il faut connaître l’intégralité de l’affaire et du contexte pour en mesurer complètement la portée, elle soulève quelques questions.
On demande aux agents de prendre de plus en plus de responsabilité sans connaître ni leur capacité, ni leur connaissance. La cour de comptes a-t-elle pris en compte tout le contexte. Cet agent était-il contrôlé par son supérieur ? Il est trop facile de caractériser une faute sur des pratiques inadéquates si aucun contrôle de supervision n’est jamais réalisé sur ces pratiques.
Comment se protéger ?
La réforme aujourd’hui ne vise pas à faire réparer le préjudice financier par un remboursement mais à sanctionner l’auteur direct de la faute en fonction de son niveau de responsabilité. La sanction, lorsque l’auteur de la faute est considéré comme responsable, est une amende plafonnée à 6 mois de traitement de l’agent. Les amendes ne peuvent faire l’objet d’une assurance en tant que telles.
Face à des situations diverses et complexes mettant en jeu la responsabilité des agents, la CFTC propose donc aux agents de se couvrir au maximum au niveau procédural.
Les services se trouvant parfois dans des situations particulières( absence de sachants, activité du poste en forte hausse,..), l’agent informe par mail à ces supérieurs et en leurs absences à la direction dans les procédures d’urgence ( ex : clôture journée comptable) de prendre leur responsabilité et de trancher afin d’être couvert. A défaut, l’agent pourrait refuser toutes tâches dont il n’est pas compétent tant par l’absence de formation que par des situations particulières qu’il ne maîtrise pas.
La polyvalence accrue exigée dans tous les services alors que manquent les repères de sachants et que les suppressions de postes pèsent de plus en plus lourd, les risques d’erreurs augmentent. C’est cela qui effraie les agents dans tous les services !
Ainsi, les SIP de demain élargit le périmètre des missions de chaque agent ( accueil ,assiette, recouvrement) ce qui rend chacun plus polyvalent, mais moins technicien de la matière. Au sein des services, entre les suppressions de poste, les maladies et le télétravail, les agents sont isolés et doivent accroître leur compétence. Est-ce vraiment une politique de management bienveillante de renforcer les missions des agents ce qui les prédispose à commettre des erreurs ?
Pour la CFTC il doit impérativement être envisagé de renforcer la traçabilité et la sécurisation des opérations pouvant conduire à une sanction financière et d’améliorer les conditions de travail dans les services. Cela n’est possible que si les directions locales prennent conscience de la difficulté de certains services et cessent leur « politique d’isolement des services ». il faut briser l’omerta et ne plus se contenter de prôner la recherche solutions internes à chaque service au risque de bricolage hétéroclite. Ce n’est qu’à ce prix que la DGFIP pourra rassurer les agents aujourd’hui terrorisés à l’idée de prendre la décision la plus courante qu’ils prenaient encore sans hésiter en 2022.
Quelle rémunération pour cette responsabilité complémentaire ?
Les comptables bénéficient d’une rémunération complémentaire liée aux risques non remise en cause après la fin de la RPP. Les postes comptables demeurent des postes très prisés financièrement. Il semble que la DG n’a pas prévu cette compensation risque lors de la mise en œuvre de la RGP pour tous les agents concernés. Il est impensable que les comptables conservent cette rémunération alors même que ce sont tous les agents qui seront redevables de sanction. Il serait plus judicieux : soit de donner une prime risque complémentaire aux agents ou de réduire les primes des comptables concernant cette matière ce qui réduiraient la fracture entre les cadres et les agents.
Cette réforme est emblématique du fossé que la DG laisse se creuser entre le chef de service et ses agents.
La CFTC incite donc les agents à transmettre, lors de chaque action susceptible d’être sanctionnés, une demande de réquisition à leur chef de service ou une demande validant l’opération afin d’ être déchargé de la responsabilité.
Par ailleurs, compte tenu des montants d’amende pouvant être mis à charge de l’agent (jusqu‘à 6 mois de traitement) et que, désormais, la responsabilité est partagée entre les comptables et les agents, il paraît pour la CFTC tout à fait raisonnable que le volant indemnitaire des agents soit réévalué en faveur des agents .