Réforme de la responsabilité des gestionnaires publics : quels impacts pour les comptables de la DGFIP ?

Annoncée à l’automne lors de l’examen du projet de loi de Finances pour 2022, la réforme du régime de responsabilité des comptables publiques sera réalisée par voie d’ordonnance et l’actuelle RPP (Responsabilité personnelle et pécuniaire) remplacée pour faire place à la Responsabilité des gestionnaires publics (RGP).

Un GT a été organisé en urgence le 4 janvier 2022 pour exposer aux organisations syndicales les grandes lignes de ce nouveau régime de responsabilité. Le projet d’ordonnance est déjà bien avancé mais n’a pas pour autant été communiqué dans les documents de travail. Les échanges sont donc restés très généraux faute de connaître les termes de l’ordonnance.

L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques a regretté le choix de la date de la tenue de ce GT. Aucun comptable de nos organisations n’avait pu se libérer pour y assister et pour cause, le GT a été programmé en pleine période d’arrêté comptable !

A la demande de l’alliance CFDT-CFTC Finances publiques, un nouveau GT se tiendra dans la dernière quinzaine de janvier sur le même sujet. Il permettra, nous l’espérons, de discuter sur les termes de l’ordonnance.

Une réforme décidée sans concertation et en dehors de tout dialogue social

Le Premier ministre a annoncé à l’automne 2021 son intention d’introduire dans le projet de loi de Finances de 2022 une habilitation à réformer, par ordonnances, la responsabilité des gestionnaires publics.

Ce nouveau régime de responsabilité entrera en vigueur au plus tard le 1er janvier 2023.

Cette réforme a été décidée sans aucun dialogue social. Et pourtant, elle est structurante pour les comptables de la DGFIP car elle va transformer en profondeur le cadre juridique dans lequel les comptables de Finances publiques exercent leurs missions.

L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques condamne un processus de réforme conduit dans des délais extrêmement réduits qui ne permettront ni une étude sérieuse des besoins de modernisation du service public, ni une concertation approfondie avec les agents, ni une préparation rigoureuse et une mise en œuvre raisonnée des changements. Aucune urgence ne justifie de procéder par ordonnance et de priver le service public du débat parlementaire autour d’une loi pour instituer un régime pérenne.
Contours de la réforme

Interrogée sur le contenu de l’ordonnance qui viendra bousculer les pratiques actuelles en matière de responsabilité, l’administration a tenté de donner quelques éclairages. L’alliance CFDTCFTC regrette pourtant que ses contours restent flous.

Quelle définition de la faute ?

La notion de faute est au cœur de ce nouveau dispositif. Seront sanctionnées les fautes graves ayant causé un préjudice financier significatif à l’organisme. La typologie des fautes sanctionnables est complétée  de la faute de gestion qui légalise une construction jurisprudentielle. La gestion de fait fera également partie des fautes sanctionnables.

Responsabilité managériale et contrôles internes : mais qui sera finalement responsable ?

Pour mettre en œuvre la responsabilité managériale et tenir compte de la fin des contrôles exhaustifs des comptes des collectivités ou organismes ordonnateurs, la DGFIP entend mettre en œuvre des garde-fous : contrôle interne et mécanisme d’alerte.

Sur le contrôle interne.

La DFGIP est persuadée qu’en établissant  le contrôle interne comme pierre d’angle du nouveau dispositif, les contrôles seront plus efficaces et mieux faits parce que ciblés sur les points les plus importants ! Peut-être. Mais l’alliance CFDTCFTC n’est pas dupe. Si le contrôle exhaustif ne peut plus être assuré, c’est avant tout par manque de personnel.

Sur le mécanisme d’alerte.

Le nouveau régime de responsabilité se veut « plus simple, plus clair et plus lisible » sans pour autant entraver la prise de risque et l’innovation ni paralyser l’action publique. Le mécanisme d’alerte devrait répondre à cette exigence. Mais ne faut-il pas craindre un dévoiement de ce système ? Les contours de ce mécanisme ne sont pas encore bien définis. Il faudra attendre le projet d’ordonnance pour, peut-être, en savoir un peu plus.

La DGFiP l’a affirmé : « le responsable sera celui qui commettra la faute ».

Dans ces conditions, l’alliance CFDTCFTC craint que tous les agents, quel que soit leur grade, ne soit mis en responsabilité, notamment s’ils exécutent un ordre d’un élu politique. En effet, le principe de la lettre de couverture, qui exonère de toutes responsabilités l’agent exécutant, relève d’une procédure lourde qui peut ne pas être appliquée dans son intégralité.

Sur ce point, la DG n’a pas démenti nos craintes tout en se voulant rassurante, affirmant que dès lors qu’un agent aura agi en toute bonne foi ou sur ordre – sauf en cas d’ordre « manifestement illégal » – il ne pourra pas être poursuivi.

L’alliance CFDT-CFTC exige que le nouveau régime de responsabilité ne conduise pas à sanctionner les agents qui ne portent pas la responsabilité de la direction d’un service.

De plus, toujours selon la DG, seules les fautes les plus lourdes seront sanctionnées. De toute évidence, il ressort de ce GT que seules les fautes les plus graves seront examinées par la 7ème chambre de la Cour des comptes qui reste la seule juridiction qui statuera, les autres fautes seront traitées en interne, dans le cadre des sanctions disciplinaires.

Les sanctions internes ne sont pas plus définies à ce stade des annonces que l’ensemble des conséquences du dispositif cible ne semblent avoir été étudiées. Y aura-t-il un nouveau corpus de sanctions disciplinaires ? La sanction portera-t-elle, s’agissant des hauts cadres, sur la part variable de leur rémunération ? Là encore, espérons que l’ordonnance donnera un éclairage.

Sur la réparation du préjudice

Dans le nouveau système, il n’est plus question de réparer un préjudice mais de sanctionner la faute.

Il n’en reste pas moins que le préjudice subsiste. L’organisme à l’origine de la faute en subira la charge sauf si un agent de la DGFIP est reconnu responsable du préjudice. Dans ce cas, ce sera l’Etat qui subira la perte.

L’alliance CFDT-CFTC Finances publiques exige :
– Que les organisations syndicales soient dès à présent associées à la rédaction de l’ordonnance, de ses décrets d’application et à la définition des modalités de mise en œuvre de cette réforme ;
– Qu’une information complète soit délivrée à tous les acteurs de la gestion publique, ordonnateurs et comptables et agents ;
– Que toute réorganisation éventuellement mise en œuvre dans les services soit précédée de formations et accompagnée de garanties de rémunération, de carrière et d’affectation géographique ;
– Que les nouvelles missions et les services impactés soient dotés de moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux qui les attendent ;
– Que le nouveau régime de responsabilité ne conduise pas à sanctionner les agents publics qui ont agi avec probité.