La DG au chevet du réseau de Gestion comptable hospitalière : de nouvelles contraintes, des progrès qui tardent et beaucoup de communication

Le 24 novembre 2021 s’est tenu le premier groupe de travail (GT) relatif à la gestion comptable hospitalière (GCH) depuis celui du 15 novembre 2017. Depuis 2017, la direction général poursuivait les transformations en mode « boîte noire » en ce qui concerne le dialogue social. Mais en pleine crise de la fonction publique hospitalière, la DG ne pouvait sans doute plus faire l’économie d’échanges avec les représentants des personnels…

Le 24 novembre 2021 s’est tenu le premier groupe de travail (GT) relatif à la gestion comptable hospitalière (GCH) depuis celui du 15 novembre 2017. Cela ne signifie pas, bien évidemment, que cette mission n’avait connu aucune évolution marquante depuis lors, mais confirme par contre que la direction général poursuivait les transformations en mode « boîte noire » en ce qui concerne le dialogue social. Toutefois en pleine crise de la fonction publique hospitalière et face au besoin de redonner à nos établissements publics de santé (EPS) les moyens d’exercer pleinement leurs missions, la DGFiP étant un partenaire stratégique des EPS, la DG ne pouvait sans doute plus faire l’économie d’échanges avec les représentants des personnels.

Ce groupe de travail informatif était donc le bienvenu. Même s’il était impossible d’envisager traiter l’ensemble des problématiques relatives à la GCH, il était important de jeter les bases d’un nouveau cycle de concertation sur l’état et le devenir du réseau en charge de la mission de GCH.

La direction générale avait proposé trois thèmes pour ce groupe de travail :

  • Rôle du comptable public dans la lutte contre les dérives de l’intérim médical
  • Déploiement du dispositif ROC « Remboursement des organismes complémentaires »
  • Rénovation de l’animation du réseau des comptables hospitaliers

Intérim médical : la DGFiP gendarme d’une politique de santé à bout de souffle

Un dispositif qui remet en cause le positionnement du comptable

Les difficultés rencontrées par certains établissements de santé pour recruter des praticiens hospitaliers ou embaucher des praticiens contractuels les conduits à recourir à des intérimaires médicaux. Cependant, dans un contexte de recrutement souvent très difficile, le recours à des intérimaires médicaux se fait parfois à un niveau de rémunération dépassant les plafonds réglementaires.

Dans ce contexte, l’article 33 de la loi n°2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, consacre une mesure, issue du pilier 1 du Ségur de la santé, visant à permettre aux comptable public de rejeter le paiement des rémunérations irrégulières qu’il serait amené à constater lors du contrôle qu’il exerce sur la rémunération du praticien ou sur la rémunération facturée par l’entreprise de travail temporaire. Il informe alors le directeur de l’EPS qui procède à la régularisation.

En outre, dorénavant, lorsque le comptable public informera le directeur de l’ARS (Agence régionale de santé) de l’irrégularité d’actes juridiques conclus par un EPS avec une entreprise de travail temporaire ou un praticien pour la réalisation de vacations, le directeur de l’ARS devra déférer ces actes au tribunal administratif et en informer sans délai le directeur de l’EPS concerné et le comptable public.

Avec ce nouveau dispositif, le législateur étend le champ de responsabilité du comptable puisqu’il se voit confier un contrôle de légalité sur les contrats conclus par l’EPS avec des tiers et doit apprécier la régularité de fond de la rémunération du praticien décidée par l’ordonnateur. C’est une nouveauté puisque jusqu’ici la jurisprudence constante du Conseil d’État avait toujours insisté sur le fait que le contrôle du comptable public ne portait pas sur la légalité des actes.

Des incertitudes et de nouveaux risques à l’orée de la nouvelle RGP

Ce nouveau dispositif juridique devait entrer en vigueur dans les 6 mois de la publication de la loi. Cependant, sans doute un peu par crainte des difficultés que pourraient rencontrer certains hôpitaux, le ministre de la santé a annoncé par communiqué de presse du 21 octobre 2021 une mise en « application dès que possible en 2022 » de la loi… Bien évidemment, la suspension de l’application de la loi par communiqué de presse n’est pas une disposition légale opérante. Le comptable public se trouve donc placé devant une obligation légale qui s’impose à lui mais pour laquelle on l’invite à surseoir.

Dans ce contexte, l’incertitude plane. Incertitude d’autant moins rassurante que, si la DG nous a assuré que ce nouveau contrôle n’entrait pas dans le périmètre de l’actuelle responsabilité personnelle et pécuniaire (RPP) du comptable public et que donc ce report « cavalier » ne pouvait pas avoir de conséquences sur ce plan pour le comptable public, elle entrera de facto dans le champ de la nouvelle responsabilité des gestionnaires publiques (RGP) qui sera mise en place par voie d’ordonnance en application des dispositions de la loi de finances pour 2022.

L’alliance CFDTCFTC a rappelé l’importance de règles claires, pour ce dispositif de contrôle comme pour la nouvelle responsabilité des gestionnaires publiques dont les premiers contours sont flous et pour beaucoup renvoyés à une jurisprudence future toujours incertaine. Concernant le contrôle de la rémunération des praticiens contractuels et intérimaires, des questions se posent sur l’étendu de la responsabilité réelle telle qu’elle ressortira des différents décrets et de la doctrine administrative. En particulier les modalités de contrôle doivent être précisées. La DG nous a affirmé qu’aucun contrôle exhaustif ne serait exigé et que la loi s’appliquerait dans le cadre d’un contrôle par sondage. Une note commune DGFiP/DGOS (Direction générale de l’Offre de soins) fixant les modalités pratiques de contrôle sera prochainement diffusée mais la DG n’a pas su nous en préciser le délai de publication.

Une charge de travail supplémentaire peu réaliste en l’état actuel des moyens affectés à la GCH

A ce flou légal et réglementaire, qui devrait trouver à s’éclaircir pour partie au moins dans les mois à venir, viennent s’ajouter des problématiques pratiques dont on ne saurait dire si elles trouveront des réponses.

D’abord, les services en charge du contrôle des rémunérations sont déjà surchargés et il est peu probable qu’ils soient en capacité d’absorber le surcroît de contrôles que ce nouveau dispositif nécessitera, même s’il n’est pas exhaustif mais par sondages.

En outre, pour faire ce contrôle a priori dans des délais raisonnables, encore faut-il disposer des éléments permettant de le réaliser. Or ce n’est que rarement le cas. Les éléments nécessaires (contrat, service effectué, nombre d’heures effectivement réalisées, etc.) peuvent théoriquement être obtenus auprès de la Direction des Affaires Médicales (DIRAM) de l’EPS. Mais pour les personnels médicaux la DIRAM n’est pas toujours en capacité de fournir l’ensemble des pièces justificatives demandées.

L’alliance CFDTCFTC a donc insisté sur le fait qu’en l’absence des moyens humains nécessaires et de processus d’échanges d’informations efficaces avec l’ordonnateur cette nouvelle charge risque d’aggraver fortement les difficultés des postes comptables en charge d’EPS, en particulier lorsque ces derniers sont contraints à un haut niveau de recours à des praticiens contractuels et intérimaires.

Pour l’alliance CFDTCFTC, une solution pérenne et efficace au problème des irrégularités de rémunérations de certains intérimaires médicaux ne peut venir que du ministère de la santé. La DGFiP peut être partenaire dans le suivi des anomalies constatées mais à défaut d’une politique conduisant à combler les déficits de personnels dans les EPS, ces derniers resteront à la merci de mercenaires peu scrupuleux.

ROC : simplifier le tiers-payant sur la part complémentaire

Une simplification pour les usagers et les services comptables

La DG nous a également présenté les dernières évolutions du projet ROC (Remboursement des Organismes complémentaires). Ce projet, initié en 2014, a vocation à simplifier et fiabiliser le tiers payant sur la part complémentaire entre les établissements de santé et les assurances maladies complémentaires (AMC). Il doit permettre de standardiser, sécuriser et automatiser-dématérialiser tous les échanges entre les EPS, les AMC et la DGFiP. C’est une véritable simplification pour le patient qui ne devrait plus avoir à se préoccuper ni de la part versée par l’assurance maladie obligatoire (AMO), ni, grâce à ROC, de la part versée par son AMC. Par ailleurs un tel dispositif automatisé sera également une simplification pour les services de recouvrement au sein des trésoreries hospitalières.

L’alliance CFDTCFTC est favorable à ce dispositif qui apporte des simplifications aux usagers comme à l’ensemble des personnels administratifs des EPS et de la DGFiP. L’expérimentation menée auprès de 6 EPS (CH d’Avignon, Chalon-sur-Saône, Troyes, Périgueux, GH du Havre et Médipôle de Lyon Villeurbanne) et plusieurs AMC (Malakoff Humanis, Mutuelle nationale des hospitaliers et plusieurs AMC en délégation complète de tiers payant auprès des groupes Almérys et ProBTP) a montré la possibilité d’assurer la correcte intégration des flux dans la chaîne applicative DGFiP. La DG indique que les trésoreries concernées « ont fait un excellent retour sur les simplifications apportées par ROC ». Parmi les avancées de ROC, l’imputation automatique des versements des AMC est particulièrement importante. Cependant, comme c’est presque toujours le cas lors d’expérimentations, aucun bilan détaillé ne nous a été présenté.

L’alliance CFDTCFTC a rappelé l’importance d’une fiabilisation de tous les titres, ainsi que des flux de paiements provenant des redevables ou de tiers. Nous avons insisté sur l’importance de mettre en œuvre la même fiabilisation au-delà de ROC pour simplifier les imputations et les rapprochements avec les relevés Banque de France.

Une généralisation encore lointaine

Si le programme est prometteur, il reste néanmoins encore loin de couvrir l’ensemble des usagers. Au 22 septembre 2021, 37 établissements avaient rejoint le programme, 51 s’y préparaient. 37 AMC participaient au dispositif représentant 20,5 % de la population couverte par une mutuelle complémentaire.

Pour autant, avec 1 354 EPS au 31/12/2019 dont 179 centre hospitalier régionaux et 945 centres hospitaliers, la généralisation est encore loin. Par ailleurs, il restera à convaincre les AMC restantes, qui couvrent la bagatelle de 79,5 % de la population protégée et à leur faire adopter des normes de flux de traitement qui leurs permettront d’intégrer ROC.

L’alliance CFDTCFTC souhaite que dès que la fiabilisation du système informatique sera parfaitement certaine, une généralisation la plus rapide possible soit mise en œuvre, y compris en imposant des normes spécifiques pour que les éditeurs de logiciels à destination des AMC intègrent dans les spécifications de leurs logiciels toutes les contraintes d’un fonctionnement interfacé avec ROC.

Quelles autres évolutions applicatives ?

Plus globalement ROC fait partie du programme SIMPHONIE (SIMplification du Parcours administratif HOspitalier par la Numérisation des Informations Echangées) qui comprend également les projets FIDES (Facturation Individuelle des Établissements de Santé), DIAPASON (Débit Intervenant Après le PArcours de SOiNs), CDRi (Consultation des DRoits intégrée) et le Pilotage de la chaîne « Accueil–Facturation–Recouvrement (AFR) ». Ce programme, qui concerne partiellement la DGFiP, vise à connaître en temps réel les droits des patients, suivre l’évolution de leur reste à charge, dématérialiser intégralement la facturation, simplifier le recouvrement et fiabiliser la trésorerie des EPS en améliorant le recouvrement.

SIMPHONIE

La DG nous a indiqué que DIAPASON couvre actuellement 404 établissements et qu’une centaine de conventions sont en cours de préparation.

Concernant le programme FIDES, les progrès sont moins marqués. La DG nous a indiqué que l’intégration de la facturation individuelle des séjours, qui représente un enjeu financier très important pour les EPS, n’était pas actuellement à l’ordre du jour.

Par ailleurs, sur les problèmes plus généraux d’imputation des sommes virées sur le compte Banque de France des trésoreries hospitalière, la DG nous a indiqué que plusieurs solutions sont à l’étude : Des assistants digitaux, HERA (application qui permet de procéder aux traitements comptables liés aux opérations Banque de France de façon semi-automatisée) dans sa nouvelle version ou un autre système spécifique de traitement.

Enfin, concernant le PES ASAP (Protocole d’échange standard Avis des Sommes à Payer), la DG n’a pas répondu à notre demande de précision sur l’état de son déploiement dans la sphère hospitalière.

La volonté affichée par la DG de mieux accompagner les services de la GCH a pourtant été accompagnée de peu d’annonces

Un contexte de concentration et de spécialisation du réseau

Le réseau des postes en charge de la gestion comptable des établissements publics de santé comprend actuellement 137 trésoreries hospitalières et 2 737 agents, mais de nombreux EPS sont encore gérés par des trésoreries SPL (secteur public local) non spécialisées. Depuis 2017 la spécialisation n’a pas cessé et la concentration du réseau s’est poursuivie, rapprochant le réseau DGFiP du réseau des groupements hospitaliers de territoires (GHT).

A l’horizon 2023, la DGFiP prévoit d’atteindre un réseau cible de 156 postes comptables spécialisés dans la GCH.

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La DG a affirmé que le rapprochement du réseau des trésoreries hospitalières n’avait pas nécessairement vocation à se calquer sur celui des GHT même si un rapprochement lui paraît raisonnable. Par ailleurs, même si la DG fait clairement le choix d’un réseau comptable spécialisé dans la gestion des EPS, elle a néanmoins réaffirmé qu’au niveau national, la gestion du réseau demeurerait fonctionnelle au sein du service des collectivités locales (SCL) de la DGFiP et qu’elle n’entendait pas mettre en place une gestion organique du réseau comptable hospitalier. A ce titre, la DG a réaffirmé qu’aucun pôle national de soutien au réseau (PNSR) « GCH » ne serait mis en place et que les services de la GCH continueraient de relever des six PNSR qui accompagnent l’ensemble des services comptables du secteur public local, y compris hospitaliers.

La DG admet que le réseau rencontre des difficultés

Les organisations syndicales présentes ont été unanimes à rappeler que les trésoreries hospitalières sont en grande difficulté. Les comptables se sentent bien souvent isolés. La spécialisation, si elle a ses avantages, conduit également dans les directions de taille plus réduites à limiter fortement le nombre de comptables en charge de missions de comptabilité hospitalière.

Par ailleurs, même si les agents ont su, au prix d’un investissement particulièrement éprouvant, accompagner les EPS dans la période la plus difficile de la pandémie, ils subissent néanmoins de fortes tensions tant la charge de travail est disproportionnée par rapport aux moyens humains disponibles. Dans ce contexte difficile, le taux de rotation des agents est également élevé avec comme corollaire des besoins de formation particulièrement importants.

La DG n’a pas disconvenu que des difficultés existent. L’isolement des comptables est apparu comme l’une de ses priorités. Mais elle n’a pas jugé critique la situation des services de GCH au regard de la capacité du réseau à répondre aux exigences qui se sont fait jour durant le cœur de la crise pandémique.

L’alliance CFDTCFTC considère que ce constat optimiste fait fi de l’état réel des services. La situation particulièrement dégradée doit être rapidement prise en compte. La cote d’alerte est atteinte et il faut de toute urgence prendre la mesure des besoins humains et techniques.

Les solutions de la DG : un peu d’information et beaucoup de communication

Face aux difficultés rencontrées, la DG n’a apporté pour le moment que quelques potions homéopathiques qui, si elle ne feront sans doute pas de mal, ont peu de chance de remettre sur pied le malade. Le traitement annoncé est le suivant :

  • Création d’un flash dédié à l’actualité hospitalière
  • Création d’une rubrique Ulysse dédiée à la sphère hospitalière
  • Organisation de réunions métiers annuelles (a minima) par les délégations interrégionales, destinées aux comptables hospitaliers
  • Création d’un réseau des comptables en charge des EPS à plus forts enjeux (CHRU/CHU) pour permettre des échanges et une meilleure mutualisation
  • Production annuelle d’un document unique DGFiP/DGOS récapitulant les besoins des EPS, les apports de la modernisation des EPS, les besoins ordonnateur/comptable et les prestations correspondantes ainsi qu’une information générale.
  • Un échange annuel DGFiP/DGOS dédié à l’offre de service…

Pour l’alliance CFDTCFTC ces propositions ne sont pas à la hauteur de la crise que traverse le réseau comptable hospitalier. Au demeurant, si on voit bien se dessiner une tentative pour rompre l’isolement du comptable, aucune mesure n’est prise pour associer les agents dans un réseau de praticiens de la GCH.

L’alliance CFDTCFTC a insisté sur la nécessité de renforcer la formation professionnelle continue pour donner aux agents une plus grande aisance dans l’exercice de leurs missions, ainsi que leur permettre de maîtriser pleinement les nouveaux outils déployés et de mettre en œuvre les évolutions légales et administratives nombreuses. La formation est aussi un vecteur d’amélioration des conditions de travail. Elle participe en outre au développement d’un réseau de praticiens. En matière de formation, la DG a indiqué qu’une offre conjointe avec l’EHESP (École des hautes études en santé publique) pourrait être intéressante mais que le partenariat n’existait pas.

L’alliance CFDTCFTC a également rappelé que les anciens FORUM DGCP avaient leurs vertus et que leur renaissance sous une forme modernisée et correctement modérée pourrait être un plus.

Enfin, l’alliance CFDTCFTC a par rappelé à plusieurs reprises que les services ont d’abord besoin des effectifs nécessaires à l’accomplissement de leurs missions et qu’en l’état actuel tout gain de productivité éventuel devrait être systématiquement réinvesti dans les missions en souffrance et non conduire à des suppressions d’emplois. Sans les effectifs nécessaires les missions ne peuvent être accomplies et bien souvent l’accès à la formation devient difficile. Le manque chronique de moyens humains est un cercle vicieux qu’il faut rompre dans le réseau de la gestion comptable hospitalière comme dans les autres !