Contrôle fiscal – Réunions relatives à la sécurité des agents du contrôle fiscal

Avec le « drame de Bullecourt » la direction générale (DG) a pris conscience que le vécu et les problématiques inhérentes aux missions de terrain du contrôle fiscal (incluant l’enquête et la recherche) ressemblaient aussi à ce qu’en disaient en vain l’alliance CFDT-CFTC Finances publiques et les OS dans les groupes de travail (GT) depuis des années. Des réalités qui justifiaient que, au fil des CTR et GT, nous exigions par exemple sur un plan matériel la création d’un parc automobile à disposition des nomades avec un usage adapté (cf. ci-dessous), la réactivation des certificats d’immatriculation permettant d’émettre un jeu de plaques d’immatriculation banalisé pour les enquêteurs*, un équipement en téléphonie mobile adaptée (apporté en partie depuis la crise COVID), etc.

Fait exceptionnel à la DGFiP, le thème de la sécurité a enfin permis d’engager un véritable espace de dialogue paritaire duquel des avancées concrètes devraient ressortir. Dans une sphère métiers où l’Administration n’avait guère envie de partager plus que de l’information purement descendante avec les représentants du personnel, souhaitons que ce changement marque un tournant rédempteur pour la DG et le bureau SJCF.

Ce 6 février, à l’occasion de la 2e séance du GT consacrée à la « sécurité des agents en charge d’une mission de Contrôle fiscal (CF) », la DG a pu se rendre compte qu’elle n’avait pas à craindre de partager des informations avec les OS, d’envisager conjointement des solutions et d’analyser des propositions. Si la question de l’intervention en binôme nécessite d’être encore débattue, s’agissant de la réécriture souhaitable de l’article 13 du LPF (vers la possibilité sur demande de l’administration d’exercer le contrôle sur le lieu de son choix, sans remise en cause du principe du débat oral et contradictoire, ndlr), le travail en séance a démontré qu’il n’y avait que des avantages à évaluer les pistes ensemble. Si le besoin s’en fait sentir, et pas seulement pour les entreprises individuelles ou les activités occultes, le vérificateur et son chef de brigade devraient donc pouvoir proposer un contrôle dans des locaux de l’administration. En revanche, notre délégation a fermement écarté l’idée de « tiers lieux » type Espaces France Services, lesquelles ne répondent nullement à l’objectif initial de sécurité …mais aussi de discrétion. De même qu’il nous a semblé peu pertinent d’envisager des CFE dans des brigades de gendarmerie ou des postes de police. Ces pistes ne devraient donc pas avoir d’avenir.

En revanche, sur la possibilité d’anonymisation des procédures, cette pratique n’ayant pas eu la notoriété qu’elle aurait dû avoir faute de publicité faite par l’administration, les retours manquent pour en discuter (NB : il sera nécessaire que la DG mette en place un comité de suivi pour suivre ces sujets…). Evoquant plus largement l’anonymat, la DG a rappelé à juste titre la nécessité de faire preuve de discrétion sur les réseaux sociaux, en particulier.

Sur la détection en amont de comportements et signaux d’alerte, la DG a relevé que Rialto Mémo était peu servie. Chacun a estimé qu’il était nécessaire de faciliter l’information et la mémoire en interne sur les comportements « difficiles ». Il conviendra cependant de prendre garde à ne pas surinterpréter de simples comportements de « mauvaise humeur » par exemple. On voit qu’il ne sera pas forcément évident de donner corps à nos nécessaires intentions collectives. Notre délégation a aussi rappelé la nécessité d’échanges réguliers au sein des brigades. Des réunions périodiques avec le chef de brigade doivent permettre d’évaluer ensemble les situations et d’évoquer les retours d’expérience. A cet effet, il est donc indispensable que les brigades puissent sortir la « tête de l’eau » en se départissant de tâches administratives plus contraignantes aujourd’hui qu’hier du fait d’asservissement à des outils informatiques, indicateurs et de tâches inhérentes à la loi ESSOC.

A ce titre, la CFDTCFTC Finances publiques a de nouveau dénoncé la disparition progressive des agents d’appui (secrétaires et contrôleurs) dans les brigades de vérif et les BCR. Nous avons rappelé notre revendication de redéployer du personnel « support » dans celles-ci. Quand la police judiciaire déploie des « greffiers judiciaires », la DGFiP mène la politique inverse depuis la fusion. Le CF a besoin de ses « greffiers fiscaux » !

A mi-parcours des discussions, si l’hypothèse d’un parc automobile semble bien engagée, celle des « doubles plaques » (*) – situation très spécifique aux services d’enquête de la DGI puis de la DGFiP avant l’introduction du SIV (Système d’Immatriculation des Véhicules) – nécessite encore des « expertises » (sic) selon la DG. Le fichier SIV pour sa part a fait l’objet de beaucoup de remontées d’interrogations quant à la sécurisation de ses consultations. La Centrale attend des précisions du ministère de l’Intérieur (MinInt) à ce sujet.

S’agissant de certains fichiers du MinInt comme le TAJ (traitement des antécédents judiciaires), une forte demande des agents du CF a été relevée.

La DG temporise sur ce sujet et estime devoir, là encore, mener des expertises (PS : il conviendra d’être attentif à ce que cette question ne soit pas renvoyée aux calendes grecques). La parité administrative a cependant été à l’écoute des expériences de chacun. Pour notre délégation, il peut être envisagé des points d’entrée en interne dans un cadre procédural strict restant à construire, respectueux du principe de présomption d’innocence, mais permettant néanmoins d’apporter une réponse concrète en matière de sécurité. Notre délégation a évoqué d’autres fichiers comme celui des mains courantes (NRDL : dans la mesure où la gestion actuelle des délits relatifs aux atteintes aux personnes ne donnent trop souvent lieu qu’à des mains courantes). Notre délégation a estimé que, sur un plan pratique, un droit de communication spécifique ou une réciprocité/extension du spectre des échanges avec les services de police et de gendarmerie sur le fondement de l’art. L 135 L du LPF devrait pouvoir être envisagé.

La question des remontées d’informations et des fiches signalement a de nouveau été débattue. Pour la DG, il ne doit plus y avoir de formes d’autocensure et « il faut libérer la parole ». Notre délégation et l’ensemble des OS ont rappelé que la minoration des remontées n’étaient pas déconnectées au poids des indicateurs, de la crainte d’être mal jugé ou mal évalué, du cadencement à réaliser, de la difficulté à apprécier les situations par les moins aguerris dès lors que la formation – devenue trop courte – est mutique sur la sécurité.

Sur la question des dépôts de plainte et des articles 40 du CPP (signalement au procureur de la République), cette 2e réunion a donné l’impression d’un utile aprèsBullecourt. Il conviendra dans le temps d’en mesurer les effets concrets. Les directions ont été sensibilisées et la DG relate que la Justice a une « oreille particulièrement attentive » aux agressions dont peuvent être victimes les agents. Nous avions relevé et dénoncé que, de façon symétrique à la situation des victimes en France, les agents n’étaient pas ou insuffisamment accompagnés et qu’il leur était demandé de déposer plainte en leur nom personnel …ce qui limitait de facto icelles. Selon nous, l’agent agissant au nom de l’Etat en délégation de ses pouvoirs et prérogatives, il revient bien à l’État via le procureur de la République de poursuivre l’auteur (ce qui n’exclut pas la possibilité pour l’agent de poursuivre également pour le préjudice personnel subi).

La DG souligne que les menaces, insultes et autres propos délictueux portés sur les réseaux sociaux peuvent être plus épineux à traiter, au-delà de la constatation des faits (l’identification des auteurs et la possibilité de poursuivre sont en effet nettement plus aléatoires). En revanche, il a été mis fin à un blog nauséeux antifisc qui avait été unanimement dénoncé. Son auteur, interpellé, a été déféré pour apologie de crimes.

Lors de la première réunion du 7 décembre 2022, le DGA Antoine Magnant s’était dit ouvert à l’idée de coconstruire avec les représentants du personnel. Une démarche que notre délégation CFDTCFTC approuve pour avoir régulièrement dénoncé la pratique actuelle du dialogue social à la DGFiP. Notre délégation en est malheureusement amenée à dire qu’il a fallu la survenance d’un drame pour que l’Administration consente à faire l’état des lieux d’une mission, même si pour sa part elle n’a pas voulu en reprendre ces termes. Aussi, nous nous sommes permis de poser la question suivante : que ce serait-il passé si cet assassinat n’avait pas eu lieu ?

En effet, l’essentiel des pistes d’amélioration, les propositions d’évolutions permettant d’assurer une meilleure prise en compte de la sécurité des agents en charge du contrôle fiscal, trouvaient leur origine dans une note de juillet 2013 …note dont l’immense majorité des vérificateurs, enquêteurs et chefs de brigades ignoraient l’existence au 7 décembre dernier !

A l’issue de cette 2e réunion, il apparait clairement que pour sécuriser la mission, il faut :

  • Des moyens humains sur le terrain pour enrichir la programmation, tant sur le contenu fiscal que sur l’environnement judiciaire de l’entreprise, ses antécédents judiciaires et ceux de son dirigeant. Cela nécessite de mobiliser des informations internes en provenance des services de gestion et de recouvrement, en particulier des SIP, des SIE, des SGC, des PRS, des trésoreries Amendes et de l’activité des huissiers des Finances publiques, dont on sait aujourd’hui qu’ils ont des difficultés à assurer le partage de l’information tant leurs surcharges de travail les conduisent à fonctionner de manière relativement cloisonnée. Cela nécessite également des accès à des sources d’informations externes détenues par d’autres administrations.
  • Des moyens budgétaires pour se doter d’unparc de véhicules de services et en assurer la maintenance afin de rompre avec l’incongruité de l’utilisation des véhicules personnels pour des missions de contrôle …que seule pratique la DGFIP. La DG s’engage à avancer sur ce terrain et à travailler à une solution apportant de la souplesse d’utilisation dans l’usage des véhicules de service existants et à venir ( : sans remisage obligatoire au bureau après mission alors qu’il est autorisé à domicile dans d’autres administrations).
  • Un cadre juridique repensé pour tous les contribuables (s’agissant de la localisation du contrôle sur place proprement dit avec la proposition de nouvelle rédaction de l’article L 13 du LPF) qui permettra d’effectuer plus aisément la vérification dans les locaux de l’administration, ainsi que de délocaliser des opérations en cours de contrôle.
  • Une formation adaptée en redonnant le volume nécessaire à l’appréhension des bases du CF et en repositionnant dans la formation initiale aux métiers du contrôle les comportements à adopter ; prévoir également un cycle de formation continue.
  • Une démarche de systématisation des signalements et des bonnes pratiques. Les attitudes de nature à altérer le bon déroulement des contrôles doivent pouvoir être relevés et signalées. La DG va étudier une solution de remontée au fil de l’eau des incidents. Notre délégation a demandé que les signalements soient transmis aux Formation spécialisées ainsi que toutes les réponses apportées. Les agents du CF ne doivent en outre jamais redouter qu’un signalement soit de nature à nuire à la procédure en cours, à l’appréciation qui peut être faite de leur manière de servir, et à leur carrière en général. Les agents ne doivent plus s’auto-censurer !

En conclusion, notre délégation a demandé la sanctuarisation au sein de la DGFIP d’un « budget sécurité ».

Au-delà, il apparait clairement que, contrainte et forcée par les événements, l’Administration est devant la réalité que la course au moins-disant en matière d’emplois et des moyens en général (que dire de la situation de CFIR…) peu conduire à des situations difficiles, voire dangereuses. La DG est face à ses préjugés budgétaristes. Voilà encore peu, il n’y avait guère de boussole en matière RH pour les agents du CF …sauf à limiter leur durée de séjour, réduire drastiquement la durée de la formation, ne plus apporter le soutien technique nécessaire (que dire de l’exemple du sujet de la garantie fiscale tirée d’ESSOC), etc.
Cette tragédie place la DG face à sa contradiction, et si le drame a conduit à ce premier « état des lieux » d’une mission, il ne faut pas attendre d’autres drames, de type « France télécom /Orange » par exemple, pour enfin procéder à l’état des lieux de chaque Mission où beaucoup trop d’agents sont en souffrance …pour des raisons internes.

Ce qui doit être mis en œuvre :

  • Mise en place d’un plan de contrôle, comme en douane, discuté avec les OS ;
  • L’assurance de RETEX et de séances régulières (GT ou autre) de partage et de mise à jour des informations entre la DG et les OS sur la sécurité ; plan d’actions à mettre en place avec suivi des OS ;
  • Le suivi paritaire des fiches de signalement ;
  • Procédures entrantes nécessaires pour continuer à être sur le terrain afin de donner de la visibilité aux contrôles par les contribuables, pendant à une meilleure acceptation