Déclaration liminaire CFDT-CFTC :
Cette première réunion du Groupe de travail (GT) consacré au thème de la sécurité dans le Contrôle fiscal (CF) va nous permettre de discuter de façon approfondie et ouverte de ce sujet. Comme par le passé – et cela l’est tristement rappelé par l’historique des notes à l’appui de ce GT –, cela est rendu nécessaire par la survenance d’un événement dramatique. C’est souvent sous le joug de situations exceptionnelles qu’on ouvre des chantiers sur le fond plutôt que de s’asseoir dans la durée autour d’une table sur la base d’un dialogue social constructif.
C’est une des mauvaises traditions françaises que l’exercice du dialogue social n’arrive que trop peu à gommer. Outre des constats et des évolutions partagées, souhaitons donc qu’il ressorte de nos échanges prévus sur la durée un changement profond de méthode.
Contrairement à ce que nous vivons trop souvent à la DGFiP, partager, échanger, proposer et parfois reprendre ce que les représentants du personnel soumettent à l’administration n’est pas de la co-construction servile mais juste faire preuve d’un dialogue social utile au service des intérêts du plus grand nombre. D’ailleurs, par cette pratique, on redonnerait de la légitimité à ce dialogue qui, faute de concrétisation, d’année en année, d’élections en élections, voit l’agent – qui est aussi un citoyen – douter comme bon nombre de Français de l’intérêt de participer aux débats et s’éloigner de plus en plus de ce que l’on appelait la « chose publique ».
Bon à savoir Comme nous avons eu l’occasion de le dire collectivement devant le ministre Gabriel ATTAL, il ne doit pas y avoir de tabous dans nos discussions. Nous avons souligné l’impérieuse nécessité de défendre le fonctionnaire dans l’exercice de ses missions.
Si la communication sur le PAS, sur ESSOC, sur le droit et l’erreur, sur « Oups » n’a pas manqué depuis 4 ans, parler des contrôles et de la fraude semble en revanche bien vulgaire.
Et en n’en parlant que trop peu, on laisse à d’autres le soin de trop souvent dénigrer ce travail pourtant capital. De fait aussi, à rebours de la doxa, il faut réaffirmer et marteler que le contrôle est par nature intrusif et qu’il n’y a pas de possibilité d’en gommer tous les effets …sauf à faire semblant. En outre, il devrait et il doit toujours être rappelé que ce qui n’est absolument pas antinomique de l’apaisement recherché …qui est la règle générale et ce depuis des années.
Les documents fournis pour cette réunion couvrent une période située entre 2013 et 2020, dont une note millésimée de 2019, laquelle est relative à la loi ESSOC. En la circonstance, les mots qui y figurent constituent une certaine mise en abîme face au réalisme cru des situations parfois vécues sur le terrain.
Bon à savoir. Entre le Contrôle fiscal réel et ce qui, alors, transparaissait dans les débats et les discussions sur la loi ESSOC, tout était relativement monolithique et à sens unique. Il est utile de le redire. Des incontournables images d’Epinal sur les contrôles fiscaux relayées dans les médias aux propos déplacés jusqu’au plus haut sommet de l’Etat (sans avoir à rappeler les habituels discours sur le trop d’impôt – lui-même jamais mis en abîme), on ne peut pas dire que des décennies d’adaptation des procédures aient beaucoup été mises en avant à cette occasion (allant jusque dans la sémantique avec l’hypocrite « proposition de rectification », NDLR). C’est d’ailleurs assurément ce qui a profondément déstabilisé la sphère du CF, ce que vous n’avez nullement perçu.
Effectivement, perdure globalement une vision datée des contrôles dans l’opinion, chez les décideurs et dans les médias. Surtout, la réalité du CF reste fortement méconnue. Et ce n’est à l’évidence pas pour nous aider ni pour faciliter son acceptation. Pour l’anecdote, après cet événement, nombre de journalistes et de politiques s’étonnaient que les CFE puissent se faire seul. C’est révélateur.
En matière de com, c’est à une révolution à laquelle on doit assister sans s’abriter trop facilement derrière le secret fiscal pour éluder le sujet. Plutôt que de surjouer la discrétion, il nous apparaîtrait nécessaire de mettre plus souvent en avant l’intérêt du CF dans ses différentes facettes et la réalité de sa pratique. Voilà une façon de faire de l’utile communication.
Sur cet aspect, la loi Fraude, elle, a bien plus constitué en un artifice de communication et n’a jamais été l’équilibre de l’autre jambe du CF dans un-en-même-temps improbable. Car ce qui devait donner médiatiquement corps à la lutte contre la fraude reste étonnement discret. Les fraudeurs, eux, restent ultra majoritairement anonymes, et sans commune mesure avec l’anonymat des procédures qu’il faut revisiter et largement élargir aux agents, tout comme l’anonymisation des véhicules que nous vous réclamons depuis plus de 7 ans sans que cela n’avance d’un iota.
Au-delà de l’aspect apaisé des contrôles – ce qu’ils sont majoritairement et c’est heureux –, n’oublions surtout pas qu’il convient de communiquer aussi sur l’importance du contrôle lui-même. Il est le pendant du principe constitutionnel au déclaratif. Or l’un comme l’autre se sont trouvés de plus en plus dilués et invisibilisés, soit dans des mécanismes dit de simplification, soit du fait de la désertion des territoires et de la volonté de ne plus faire tout simplement de contrôles : orientation des indicateurs en ce sens, procédures idoines, pression sur la durée des CFE, recouvrement envisagé dès la programmation, dénigrement de la VG, baisse des effectifs, procédures tendant à effacer l’humain, absence de contrôles sur des pans entiers de population …à raison de leur faible enjeu ou de leur complexité à réunir des éléments de discordances dans des bases de données, etc.
De cela aussi, il faudra parler.
Clairement, le contrôle apaisé ne doit plus prendre la figure pour les acteurs du CF du renoncement et de la désertion des territoires.
Son importance, sa nécessité, et plus encore sa réalité effective doivent passer par un usage plus régulier mettant en œuvre l’éventail large des procédures à disposition en particulier au stade de l’enquête (contrôle de livres de police, de facturation, de billetterie, d’obligations relavant d’autres codes, en particulier du code monétaire et financier ou du travail, d’adaptation pour faciliter des contrôles conjoints avec les douanes, etc.).
Ceci doit matérialiser et identifier le Contrôle fiscal sur le terrain, celui-ci n’étant évidemment pas que le CFE. Peut-être est-ce contre-intuitif pour ceux qui gouvernent, mais ce qui légitime l’action des corps de contrôles est leur présence effective sur ledit terrain.
A l’inverse, lorsque cette présence n’est plus qu’aléatoire et que la survenance des contrôles devient très improbable, son effectivité fait figure d’injustice et rend beaucoup plus difficile l’acceptation desdits contrôles.
Nos échanges à venir permettront d’aborder nos propositions dans le détail, mais il nous apparaissait nécessaire de partager avec vous ces constats qui sont le ressenti d’un très grand nombre d’agents.
Sur la question du signalement des situations à risques ou des faits anormaux, voire délictueux, nous tenons à relever ici la réelle sous-estimation de ceux subis dans la sphère du CF. Cette réalité doit elle-même nous interroger.
Outre le possible manque de connaissance des dispositifs, la crainte du jugement, la crainte d’être considéré dans l’incapacité à gérer ces situations, mais aussi le poids du cadencement et des délais à tenir, sont défavorables aux signalements. Et s’agissant des dépôts de plainte, il est évidemment nécessaire que ce soit l’Etat qui les engage car l’agent agit en son nom et exerce pour lui.
NB : au-delà de certains propos haineux véhiculés dans des médias Internet et sur des réseaux sociaux pour lesquels la délégation CFDT-CFTC a demandé des poursuites judiciaires quand cela en relevait, nous avons tenu à faire part de l’impression amère de certains comportements internes. Si l’expression collective de solidarité a largement dépassé les frontières de la DGFIP, cet événement a aussi démontré les antagonismes de notre administration : distanciation à raison de l’origine fiscale de l’agent ou en considération du grade du collègue assassiné. Les propos qui relativisent au métier ou au grade de notre collègue le sang versé pour l’État sont inqualifiables. Enfin, nous avons redemandé un temps de commémoration collective pour honorer la mémoire de notre collègue en regrettant que le jour des obsèques n’ait pas été marqué par un témoignage manifesté, par exemple, par une fermeture au public.