Contrat d’objectifs et de moyens (COM) – Déclaration liminaire du GT

Pour notre délégation CFDT-CTFC Finances publiques, la nécessité d’un Contrat d’objectif et de moyens (COM) est indiscutable pour connaître la trajectoire de notre direction à moyen terme. Mais la façon de le mener et les moyens pour y parvenir sont tout aussi primordiaux.

Sur la forme, il y a dans ce COM beaucoup trop de Com …avec son lot de mots valise, une vision RH parfois bien trop virtuelle et quelque peu incantatoire, et des déclarations d’intention derrière lesquelles chacun peut entendre ce qu’il veut.

Or, on peut douter qu’en de nombreux domaines vos intentions aient profondément changé et rejoignent celles des personnels …quand bien même vous avez l’audace de vouloir faire croire que les agents sont massivement à l’origine de certaines propositions. Abusant comme on s’y attendait des données du Grand remue-méninge (GRM), vous avez ponctué votre présentation de nuages de mots pour faire moderne – 3 au total – censés refléter les thématiques et propositions émergeant du GRM mais dont la source n’est assurément pas celle du « flot » des personnels : « déploiement des centres de contacts », « développer les espaces de co-travail », « supra départementalisation », la « valorisation des agents méritants » dont la grasse police dépasse celle appelant à « revaloriser les rémunérations », ou encore « une relation de confiance approfondie » …pourtant peu plébiscitée – c’est peu dire… – par les services du contrôle fiscal.

On relève en outre une ineptie qu’il faut ici dénoncer, à savoir la marque « DGFiP ». La DGFiP n’est pas un produit commercial. On y vient par obligation, non par choix. Et s’il s’agit de mieux faire connaître la DGFiP – but légitime –, vouloir marqueter une administration dans les mains de communicants est un biais à éviter sauf à vouloir absolument, au risque du ridicule et du fiasco, être dans l’air du temps en utilisant à tout prix des officines bien dispendieuses, des influenceuses en vue ou des tik-tokeurs réputés émérites.

Pour redonner du lustre aux Administrations, il faut commencer par cesser de dégrader l’image de l’Etat chaque jour qui passe dans les médias. Les conséquences de la fétichisation de la LOLF sont sous nos yeux. Si elle a généré à l’envie une bureaucratie dont le moteur est la seule coupe budgétaire, les résultats escomptés sur le long terme sont peu éclatants. En revanche, partout la même réalité. Outre le dénigrement des fonctionnaires depuis des décennies, on assiste à un déclassement dans nos hôpitaux, dans l’éducation, dans les transports ferroviaires – déclin qui fait suite à l’abandon bien peu écoresponsable du fret au profit de la route, déclin au niveau de la Justice alors que la sûreté publique est entachée d’une hausse des violences de toute nature. On relève en outre un désengagement dans la lutte contre les fraudes depuis 5 ans, alors que dans d’autres domaines, les salariés, les consommateurs, le vivant et les espaces naturels sont de moins en moins bien protégés. In fine, nombre de missions sont moins bien assurées à en faire pâlir les fonctionnaires. Dernièrement enfin, amputant le pouvoir d’achat de chacun, ce que ce qui était le fleuron de notre indépendance énergétique est aux abois du fait de politiques courtermistes courant derrière les sirènes de chaque période …et la recherche irresponsable et contreproductive de budget à tronquer.

Pour donner envie de rejoindre l’Etat et la DGFiP [Axe 6], la recette est dorénavant la même que celle qui va devoir consister à donner envie d’y rester : redonner du sens au travail et de la dignité aux agents, réaffirmer l’importance des missions régaliennes, faire confiance aux agents, leur permettre de mettre en œuvre les prérogatives de puissance publique dont ils sont délégataires, respecter et valoriser leur parcours et leur savoir, redonner des perspectives de carrières et améliorer enfin les régimes indemnitaires. Voilà un travail profond et salvateur, loin des artifices de communication.

Pour résumer, l’attractivité a 3 piliers : l’indemnitaire (qui n’a eu de cesse de se dégrader), la dignité avec la reconnaissance d’un métier et d’un statut social, la possibilité de développer une carrière (laquelle a été particulièrement massacrée pour la catégorie A).

Dès lors, on peut s’interroger sur l’objectif 14 qui énonce « Offrir un accompagnement dynamique, motivant et personnalisé aux agents et encadrants » sans jamais aborder les piliers de l’attractivité… Quand on a que du vent à offrir, on risque la tempête.

Malheureusement, la délégation CFDT-CTFC Finances publiques ne peut s’empêcher de penser que derrière l’écoresponsabilité ou l’éco-durabilité et les nouveaux modes de travail, la matrice qui anime la haute fonction publique est toujours là en recherche de suppressions d’emplois et de services, en recherche d’attrition de moyens et de m².

Derrière l’intitulé passe-partout de l’objectif 16 « Développer un environnement de travail adapté aux nouveaux modes de fonctionnement des équipes », notre délégation entend vous mettre en garde sur la nécessité de bien jauger les évolutions immobilières en veillant qu’elles ne soient pas éloignées de la sociologie des agents de la DGFiP et des réalités de travail des personnels. Prendre en compte l’humain est essentiel, car le « bureau » est le lieu où l’on passe le plus de temps de sa vie active. Attention donc au jeunisme qu’affectionnent les quinquas dirigeants, aux gadgets quelque peu adulescents tirés d’expériences dans des domaines créatifs ou numériques majoritairement éloignés de nos cadres de travail. La question de l’environnement de travail doit être réfléchie localement avec les agents, pas déclinée à partir de propositions construites à Bercy ou dans des cabinets de conseil.

L’alliance CFDT-CTFC Finances publiques vous demande de commencer par remettre la machine à l’endroit. Il faut partir des missions et en faire une revue objective pour prétendre connaître le nombre de personnel et les moyens à affecter. La DGFiP a décidé de se passer de ce travail méthodique, de même qu’elle se refuse à tout RETEX sur les réformes engagées, ou que vous évitez de démontrer la réalité des gains de productivité que vous avancez et la méthodologie pour y parvenir.

Notre délégation CFDT-CTFC Finances publiques demande tout d’abord une réflexion, ou plutôt une inflexion révolutionnaire, quant-au mantra liant performance et pilotage que l’on retrouve dans l’axe 7 sous le titre évocateur de « renforcer le pilotage de la performance et du changement » suivi d’un « placer le pilotage par la performance au cœur des méthodes de travail ». Ce mantra, qui peut se décliner à l’infini, conduit à formuler des injonctions paradoxales. On voit mal en effet la performance aller dans le sens de missions visant à favoriser un accompagnement plus personnalisé des publics du SIP ou du SIE. Il faut convenir que le traitement de masse ne peut recevoir la même réponse qu’un travail d’analyse ou de suivi personnalisé. Dès lors, il ne peut se piloter de la même façon et certainement pas dans un système de performance et de compétition, ou pire de « benchmark », mot qu’apprécient les Précieuses ridicules des temps actuels.

Voilà ce qu’aurait pu être ce GT si vous aviez réellement voulu en partager les attendus et quelques solutions avec les OS. Une demi-journée ne saurait y suffire. C’est sans doute la raison pour laquelle vous nous adressez deux documents d’appui pauvres en informations tels que ceux servant de présentation dans les directions.

On peine à croire à un dialogue social revisité avec ce premier GT de 2023. Et ne parlons pas de la prétendue concertation au niveau local.

Relevons enfin qu’on peut trouver étonnant que, dans la partie 2 qui est consacrée aux RH, les deux axes relatifs à l’humain passent après les systèmes d’information et l’écoresponsabilité. On espère qu’il ne s’agit tout de même pas d’une inversion des valeurs quand bien même l’un est structurant et le deuxième d’une importance certaine. Pour l’alliance CFDT-CTFC Finances publiques, il n’est de richesse que d’homme et c’est en mettant l’homme au centre du travail et non à la périphérie des moyens, que la direction générale pourra redonner de l’attractivité à la DGFiP et rendre aux agents leur enthousiasme. Ainsi c’est en développant une politique, ambitieuse et de qualité, de gestion, d’encadrement et de mobilisation du collectif humain en charge des missions de la DGFiP que celles-ci seront pleinement accomplies.

S’agissant d’écoresponsabilité [Axe 5], il convient de ne pas faire du verdissement à bon compte (greenwashing). Outre que l’impact d’une DGFiP vertueuse sera anecdotique en la matière, cela ne doit pas se faire en limitant les déplacements pros ou les m², mais en dénonçant le poids de la fiscalité sur l’environnement et sur l’étalement urbain en particulier. Enfin, si l’on entend acheter local, il faut que cela dépasse la question des cantines et prendre également en compte des produits qu’on importe habituellement de loin. Il convient également de ne pas être aveugle à l’impact que la contraction de notre réseau a parallèlement sur l’empreinte CO2 des usagers mais aussi des SI (systèmes informatiques). Un bilan doit être complet et envisager tous les biais et externalités.

Sur l’informatique [Axe 4], nous ne reviendrons pas sur la responsabilité de nos décideurs qui pendant des années ont sous-investi obligeant à un rattrapage éperdu de la dette technologique. La modération et la faisabilité semblent dorénavant gouvernées les objectifs plus raisonnables de cette mission structurante. Il importe en effet que des projets aboutissent en vue de mieux satisfaire l’agent utilisateur.

Mais il nous importe aussi de connaître la trajectoire budgétaire prévue : quel budget la DG entend-elle consentir pour mener à bien ses projets informatiques ?

Après cette approche des points relatifs à la 2e partie, nous nous arrêtons sur quelques points de la 1re partie relative aux missions, avant d’aller plus avant au cours de ce GT.

Il est ainsi prévu de renforcer la publicité foncière, profondément affectée par des suppressions d’emploi inconsidérées, ou encore la capacité d’audit [cf. objectif 17], mission d’audit qui a été précédemment « mise à l’os ». Au cas particulier, nous souhaitons que ce renfort se fasse avec le but de mieux accompagner les agents et que la mission bénéficie mieux en matière de recrutement de l’expérience de cadres ayant blanchi sous le harnais.

Certaines missions réaffirmées et renforcées ne sont pas pour déplaire. Le focus sur les missions régaliennes est notable dans l’axe 1 et vise à améliorer la qualité comptable ou le civisme fiscal. Mais, comme pour les axes 2 et 3 qui entendent à développer des services et à mieux accompagner les contribuables, la question des moyens est cependant la grande inconnue.

La DG estime que les gains de productivité – non démontrés – sont de 2500 emplois (1500 emplois sur la TH pple / CAP et 1000 emplois sur les réformes en cours). Toutefois, sans même rappeler les 32000 emplois supprimés de 2008 à 2022, sur la période quinquennale de ce COM, ce sont déjà 3000 suppressions d’emploi prévues. Il n’y a donc aucune marge de manœuvre sur la période pour redéployer des emplois sur des missions, les suppressions absorbant au-delà des gains présumés.

La délégation CFDT-CTFC Finances publiques souhaite en particulier, et sans exhaustivité au regard de l’étendu des questions que soulève ce COM sur 5 ans, des précisions sur les points suivants :

  • Combien d’emplois sont concernés par la réforme de la responsabilité du gestionnaire public et quel « gain de productivité » génère-t-elle ?
  • Quelle sera précisément la feuille de route des SIP et SIE et les missions leur revenant ? Sachant que renforcer l’accompagnement des usagers [objectif 7], offrir des conseils plus personnalisés ou soutenir les entreprises, notamment en difficulté [objectif 8] n’est pas réductible dans des solutions apportées par l’informatique. Cela nécessite du personnel bien formé et en nombre suffisant ainsi que des services de proximité, sinon on risque d’aller au-devant de déconvenues qui pourraient coûter cher, à la DGFiP, dégradant également encore la confiance des citoyens envers l’Etat et ses gouvernants.
  • Plus précisément pour chacun. Qu’en sera-t-il de la question du contrôle dans les SIP, notamment sur les revenus catégoriels comme les RF où il y a tant à faire ? Sur les SIE, y a-t-il la volonté d’y transférer la partie expertise des PCE ?
  • Est-il à ce titre bien pris conscience de la réalité du tissu fiscal et qu’une partie de la population a besoin et est en demande de contact humain sur tout ce qui relève des missions de la DGFiP ?
  • S’agissant du CF [objectif 3], un renforcement est absolument nécessaire mais avec qui et avec quel plan de formation ? Pouvez-vous par ailleurs préciser à quelle réorganisation du CF tendant à optimiser les moyens, les outils et les structures il est fait référence ?
  • Qu’est-ce que veut dire « appliquer les nouvelles règles de fiscalité internationale» qui semble vouloir dire qu’on était en dehors jusqu’à présent… ?
  • En matière de recouvrement, envisagez-vous de recréer une filière ad hoc à l’ENFiP qui manifesterait cette volonté affichée dans le COM ?

La délégation CFDT-CTFC Finances publiques vous demande enfin de nous préciser un élément forcément connu à ce stade et auquel il n’est nullement fait mention dans ces documents, celui du budget consacré aux missions.

Autre grand absent de ce document et pourtant essentiel : la dimension reconnaissance des agents.

Notre délégation souhaite que ces éléments soient portés à la connaissance des représentants du personnel.